Amélie, 31 ans, ASI II
C’est à l’âge de 18 mois que les médecins ont diagnostiqué ma maladie. Ma maman de par son instinct maternel avait toujours su que je n’étais pas un enfant comme les autres. Elle avait dû insister auprès de plusieurs spécialistes pour que l’on s’intéresse à moi. Lorsque le diagnostic est tombé, les médecins ont dit à mes parents que je ne vivrais que quelques mois et qu’il fallait en profiter. Pas de chance pour eux, je suis toujours là, 30 ans plus tard ! Je ne sais pas trop comment ça se passe aujourd’hui, mais je trouve qu’à l’époque, les médecins manquaient un peu de psychologie.
J’ai eu une enfance assez normale, je suis allée dans une toute petite école maternelle où les institutrices me cajolaient, je ne me sentais pas différente à cette époque. J’ai eu mon premier fauteuil manuel à 5 ans. Avant cela, je « marchais à quatre pattes », mais je tombais de plus en plus souvent et un fauteuil s’imposait. J’étais assez contente de l’avoir, car il était plus facile pour moi de danser avec ma sœur, elle pouvait me faire tourner dans tous les sens… c’était cool. Mes parents voulaient vraiment que ma vie soit comme celle des autres enfants, pourtant quand le moment est venu de choisir une école primaire, cela n’a pas été très facile… je voulais aller dans la même école que ma sœur, mais l’école avait refusé de m’y inscrire. C’est à ce moment-là, pour la première fois que je me suis sentie différente. Finalement, l’école communale du coin a bien voulu m’accueillir bien qu’il y avait aussi des escaliers. Ma classe se trouvait au rez-de-chaussée et une immense rampe avait été installée pour accéder à ce rez-de-chaussée. Au début, certaines personnes disaient que cette rampe était un danger pour les autres enfants. Finalement, 20 ans plus tard, cette rampe est toujours là.
À partir de mes secondaires, les choses se compliquent un peu plus. Je pense que c’est la pire période de ma vie. Je n’étais pas très jolie, ce qui ne m’aidait pas du tout dans mes relations avec les autres ! Personne ne me parlait à l’école, j’étais niée, exclue. Du coup, je ne travaillais pas, je ne voulais même plus y aller. Je ne supportais plus les moqueries… Je me rendais malade juste pour ne plus m’y rendre. J’ai fini par échouer ma deuxième année et ma titulaire a suggéré à mes parents de m’inscrire dans l’enseignement spécialisé ! Je crois que pour moi, c’était le coup final ! Personne ne comprenait que le problème c’était mon intégration…
Bref, mes parents ont donc décidé de m’inscrire dans l’enseignement spécialisé. Au début, j’ai pris cela comme une punition. Finalement, je leur en suis reconnaissante, car je suis devenue celle que je suis aujourd’hui. Le directeur de l’institution savait que je n’avais pas ma place dans ce genre d’enseignement et a décidé d’ouvrir une classe avec un enseignement dit « traditionnel ». Nous étions 6 élèves dans cette classe et je pense avoir acquis plus d’expériences que si j’étais restée dans une classe de 30 élèves méprisants. Arrivée en 5e secondaire, nous n’étions plus que 2 à suivre les cours traditionnels dans l’institution et il était difficile d’engager un régent pour 2 élèves. Nous avons donc établi un projet d’intégration. Plutôt que d’introduire l’école à nous, nous avons intégré une école traditionnelle totalement accessible. Bizarrement, tout avait changé… J’avais une quantité d’amis dans cette école, j’avais de très bonnes notes aussi. J’avais tout simplement changé, mûri. J’étais une jeune fille comme les autres !
Après mes secondaires, je ne savais pas trop quoi faire dans la vie, j’avais donc décidé de suivre un cursus en sciences-humaines et social qui me permettrait au terme de l’année de me centrer sur un choix d’étude. J’ai finalement opté pour la psychologie. À ce moment-là, j’ai rencontré quelqu’un avec qui je suis restée 6 ans. Je passais plus de temps avec lui que dans les amphithéâtres et j’ai fini par échouer mon année. J’ai donc décidé de changer d’orientation. J’ai suivi un baccalauréat en webdesign et multimédia. Combiner passion et école, c’était tout ce dont j’avais besoin. À la fin de mes études, j’ai cherché un emploi pendant 2 ans, sans succès. C’était devenu une période un peu chaotique. J’avais besoin de changer de vie. J’ai quitté mon compagnon, déménagé, rencontré mon compagnon actuel, suivi des formations complémentaires, fais du bénévolat… Je revivais enfin et le bonheur était enfin au rendez-vous. Ensuite, j’ai repris un master en communication. Là, je me suis rendu compte que l’université, ce n’était absolument pas pour moi ! J’avais l’impression d’être à nouveau adolescente ! Les amphithéâtres n’étant pas très accessibles, j’étais toujours seule, presque personne ne me parlait… sans compter l’implication énorme que l’université demande… bref, je ne voulais plus de ma vie d’avant et j’ai préféré en rester là.
Par contre, j’ai enfin trouvé ma voie (il était temps), j’aimerais travailler aujourd’hui dans le social. J’ai donc décidé de reprendre des études d’assistante sociale et conjointement un baccalauréat supplémentaire pour devenir cadre dans le secteur non marchand. J’adore ce que je fais et même si je ne trouve pas d’emploi, je créerai mon ASBL d’aide à la personne. Je suis bien intégrée dans mon école et tout le monde parle avec moi. J’ai également un merveilleux projet en cours qui est de conduire. J’ai déjà mon permis théorique et j’ai passé mes heures d’auto-école. Je dois attendre l’accord de l’AVIQ pour les remboursements d’adaptations de la voiture. C’est grâce à l’AVIQ, mais aussi à l’ABMM que ce projet fou peut être possible, car il est assez conséquent ! Je suis à la recherche également d’autres associations qui pourraient me soutenir dans ce projet. Si cela vous intéresse, vous pouvez me suivre sur ma page « Une voiture adaptée pour Amélie » sur Facebook. Enfin, depuis avril 2016, j’habite enfin dans mon propre appartement. Je suis toujours avec celui qui fait battre mon cœur (cela fait deux ans). Nous avons de beaux projets en perspective… Wait and see…
Et je peux te confirmer, Amélie, que 30 ans plus tard, la délicatesse et la psychologie ne sont toujours pas les points forts des médecins quand il s’agit d’annoncer le diagnostic!!!
Quel joli témoignage, merci de nous l’avoir confié.
Et c’est si bien résumé qu’on a l’impression de t’avoir accompagnée.
Belle continuation à vous 🙂
Merci beaucoup pour ce partage
Super Amélie ! Merci pour ce partage. Je constate que c’est effectivement galère pour trouver une école, et, en tant que parent, on essaye de choisir et de mettre en place la meilleure solution pour nos enfants, quitte à devoir changer si cela ne va pas. Je suis en projet pour une intégration en secondaire pour Soline l’année prochaine, on verra concrètement comment ça ira…
Heureuse aussi de constater que ce n’est pas la chaise qui empêche d’avoir des « petits copains » :))
Bonne continuation à toi dans tes projets et ta vie, et bravo pour ta ténacité !